Vin et réchauffement climatique : un vignoble pour la viticulture de demain

29/03/2019

A vue d’œil, pour l’instant, rien ne différencie ces 17 ha de vigne à quelques encablures de notre coopérative Les Vignerons de Buzet d’un autre vignoble. Et pourtant c’est ici qu’ont été plantés cette dernière semaine de mars 2019 les premiers pieds de vigne de notre vignoble du futur.

D’ici 2050, nous pouvons nous attendre à une hausse des températures de 2°C en moyenne, d’après un rapport du GIEC, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Un changement considérable pour la vigne ! D’autant que les hypothèses du changement climatique s’accordent sur des phénomènes climatiques extrêmes fréquents, de type forte chaleur et sécheresse ou au contraire épisodes soudains de très fortes pluies.

Ajoutons à cette donnée incertaine l’évolution des goûts des consommateurs et leur volonté légitime de s’approvisionner en produits sains, accompagnée d’une exigence tout aussi légitime de transparence.

L’équation est plus difficile qu’elle n’en a l’air. En effet le changement climatique induit un risque accru de fragilité de la vigne et de développement de maladies pouvant réellement mettre en danger la récolte, voire le vignoble. C’est le défi de la transition agro-écologique.

Nos 17 ha de vigne, appelés vignoble New Age, sont pensés et testés pour aboutir à un vignoble sans aucun intrant (même ceux autorisés en bio), auto-fertile, capable de se passer de l’intervention humaine.

Un vignoble en agro-foresterie

Concrètement, ce vignoble se divise en deux parties. Sur 4,5 ha, en AOC (appellation d’origine contrôlée) Buzet, nous avons planté des cépages résistants (Artaban, Vidocq) et des cépages méridionaux (Tempranillo, Syrah) que nous supposons mieux adaptés aux conditions climatiques futures. Sur 12,5 ha se mêlent pieds de vigne, haies, arbres (en rangs ou isolés entre deux pieds de vigne), couverts végétaux, zones humides avec la présence d’eau… Sur une rangée, nous sommes allés jusqu’à changer la façon de planter le pied de vigne. Nous l’avons planté sur sol enherbé (contrairement à une plantation classique sur sol nu). Ces 12,5 ha donneront du vin sans indication géographique (VSIG) car les moyens utilisés pour conduire ce vignoble innovant utilisant toutes les techniques de l’agro-foresterie ne sont pas – encore – compatibles avec le cahier des charges de l’AOC.

Tous les 6 rangs de vigne, un élément est modifié afin de permettre des comparatifs. Au total, plus de 30 modalités différentes sont testées sur les 17 ha.

Aller plus loin qu’un vignoble bio

Ces 17 ha de notre vignoble du futur seront en agriculture biologique. Mais nous souhaitons aller plus loin que ce label précis. Notre réflexion est plus large que la question – importante – des intrants. Elle englobe les questions environnementales posées par le réchauffement climatique et une planète en souffrance : préservation de la ressource eau, biodiversité, etc… Notre vignoble idéal, c’est un éco-système à lui tout seul, dans lequel la vigne s’épanouit suffisamment pour donner des raisins de qualité.

Certaines solutions sont déjà utilisées par nos viticulteurs, comme ces "boîtes à musique" innovantes, aux résultats surprenants pour lutter contre l'esca, maladie mortelle pour le cep de vigne.. Mais elles sont toutes réunies sur ces 17 ha de vigne précurseurs.

La rentabilité, nécessaire dans notre modèle coopératif

Ce vignoble New Age doit être rentable. Le projet n’est pas un simple projet expérimental. Notre objectif final est bel et bien que la vigne ici produise des raisins, pour in fine élaborer du vin qui soit apprécié. La rentabilité, pour nous, n’est pas un mot à bannir. Dans notre modèle coopératif, c’est par nos vins que nous assurons la juste rémunération de tous nos viticulteurs coopérateurs et par là le maintien de leur activité. Ce vignoble a beau être innovant et expérimental, le vin qui en sortira, dans trois ans, doit permettre aux 184 familles de nos viticulteurs coopérateurs de vivre et de poursuivre la viticulture.

Nous attendons donc avec impatience le premier millésime, en 2021, pour faire le bilan et pouvoir déployer les méthodes innovantes, durables et concrètes sur les vignes de nos coopérateurs.